Mieux connaître le métier de réalisateur avec Olivier Megaton
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Mieux connaître le métier de réalisateur avec Olivier Megaton (2/2)

Mieux connaître le métier de réalisateur avec Olivier Megaton (2/2)

Comment expliquer le nombre important de reboot, remake, sequel ces dernières années ?

 

Les idées de scénarios existent mais ne sont pas exploitées car le développement d’un film coûte très cher et surtout qu’on hésite à prendre un risque. Quand tu fais un remake, 30 % de ton idée est déjà existante quelle qu’en soit la qualité. Tu peux alors chercher un financement en arguant du fait que c’est la suite de tel film qui avait réalisé une belle carrière au box-office et que de ce fait le second fera mieux. C’est toujours plus simple que de venir avec une idée nouvelle pour laquelle tu vas devoir argumenter et convaincre. Les budgets sont de moins en moins importants mais c’est une situation compliquée : il y a une tendance à la restriction au niveau des films moyens alors que d’un autre côté il y a de plus en plus de gros films.
Le marketing ainsi que les attentes du public ont changé. Dorénavant, on ne peut plus se permettre de développer un film pendant trois ans. Les personnes travaillant au marketing ne fonctionnent qu’avec des statistiques et ne voient que la rentabilité car c’est avant tout leur métier. Mais malheureusement, elles ne comprennent pas toujours les tenants et les aboutissants liés à la création d’un film.
Quelque part, c’est normal de préférer faire un succès commercial plutôt qu’un flop même si tu gagnes des Oscars avec. Aujourd’hui chaque boîte investit dans du personnel ayant des exigences marketings qui sont clairement énoncées. Pour cinq films proposés, il n‘y en aura qu’un seul qui sera développé et à priori rentable. Aux États-Unis, la prise de risque est encore présente mais en France elle a totalement disparue.
Ici, lorsque tu regardes les budgets alloués aux développements, tu ne t’étonnes pas de te retrouver avec des scénarios médiocres mais de temps à autre on a un coup de chance comme pour Intouchables ou The Artist. La mentalité française, c’est de se féliciter une fois le succès reconnu plutôt que de demander pourquoi ne pas avoir cru en ce film dès le départ.

 

Cela reste-t-il la seule différence avec le cinéma Hollywoodien ?

 

Non, aux États-Unis ils arrivent à financer les projets pour lesquels ton nom – synonyme de succès auprès du public – est associé.
En France pour réussir à obtenir ne serait-ce que 10 000 euros, il faut te battre alors que cette somme n’est rien comparée au budget global d’un film. Si l’on veut résumer le plus simplement possible c’est : 100 % profit, 0 % risque. Ce n’est réalisable qu’avec un scénario sur lequel il n’y a aucun travail supplémentaire à fournir et il arrive d’avoir un coup de chance de temps à autres comme avec Intouchables.
On n’a pas cette prise de risque en France tandis qu’aux États-Unis celle-ci est encore un peu présente bien que l’on préfère choisir la facilité en tournant des remakes. Toutefois je dis ça, mais je suis le premier à le faire même si cela n’est pas mon objectif principal.

 

Dans ce cas, pourquoi avoir accepté de réaliser Taken 2 ?

 

Je ne voulais pas le faire à la base, mais entre l’opportunité de pouvoir travailler avec Liam Nesson et le fait qu’il y ait un vrai pari dans le film, à savoir exploiter plusieurs éléments non abordés dans le premier Taken, j’ai fini par accepter.

 

Sera-t-il réellement différent du premier Taken?

 

L’idée de départ était d’en proposer une nouvelle, développée sur cette même base sinon cela n’aurait servi à rien. Mais compte tenu du nombre de spectateurs qu’il y a eu pour le premier, on peut s’attendre à ne pas satisfaire tout le monde. Pour Bienvenue chez les Ch’tis, tu t’es ennuyé pendant le film tout comme moi, au contraire de 21 millions de spectateurs, comme quoi les goûts et les couleurs ne se discutent pas.
Il y a des gens qui vont apprécier parce que c’est un autre film, c’est d’ailleurs le challenge que j’ai accepté et il a fallu du coup tout remettre à plat. Je ne suis pas là pour récolter un maximum de prix, j’espère surtout qu’ils seront nombreux à aller le voir. Si ça ne leur plait pas, je ne peux rien n’y faire et je n’ai pas aucun jugement de valeur à formuler : à la base, quand tu fais un film, c’est pour toi donc tu ne cesseras de le voir avec le filtre de ta propre expérience!

 

Quels sont tes projets après la sortie de Taken 2 ?

 

Étant quelqu’un de mono tâche, je me focalise sur la manière de finir ce film du mieux que je peux tout en y prêtant une attention continue.

 

Le tournage s’est bien passé ?

 

C’était surtout compliqué, le tournage en Turquie s’est avéré très dur et je ne disposais au total de 70 jours de tournage que j’ai réussi à tenir.
Je suis assez scolaire dans mes tournages, j’ai une capacité à tourner très vite mais aussi à me retourner tout aussi rapidement. Cependant, les producteurs peuvent en profiter et c’est à ce moment qu’il faut savoir dire stop : si nous avons trouvé un accord sur quelque chose, je ferais tout pour respecter mon engagement. En revanche si je vois que je n’y arrive pas, je préfère prévenir le plus rapidement possible et ce uniquement dans le but de ne pas mettre les gens avec qui je travaille dans une logique d’échec.

 

Y a-t-il eu des projets sortis au cinéma depuis, mais que tu as eu envie de faire?

 

Oui, notamment un de très connu qui est sorti l’année dernière. Un jour, alors que j’étais aux États-Unis, on m’a parlé d’un film en me rappelant que j’avais travaillé dessus pendant trois, quatre mois. Lisant beaucoup de scripts, je n’y ai pas accordé plus d’importance étant donné que le film était sorti. Par la suite, l’occasion de voir ce film s’est présentée puis une fois les trois premiers plans passés, quelle ne fut pas ma surprise ! C’était Drive

C’est à cet instant que je me suis dit « et merde ». Je reconnais avoir eu un petit pincement au cœur au moment de regarder le film mais ce sentiment fut atténué car la version proposée par Nicholas Winding Refn est celle que j’aurais proposée plan par plan avec un rythme de narration lent et centré sur le personnage principal. Seules petites différences avec le scénario : Shannon, le garagiste ne mourrait pas, la fin était légèrement différente, ainsi que deux, trois petites choses qui ne marchaient pas.
Je n’ai pas pu le réaliser, non pas pour des raisons de script mais parce qu’après avoir passé trois mois à travailler dessus puis à constater que les choses n’avançaient pas (d’autant que je n’habite pas à Los Angeles), j’ai décidé de passer à autre chose. C’est alors que les producteurs ont rencontré Ryan Gosling… Ceci dit, c’est tout bénéfice car je vois un film que j’aurais aimé faire et qui correspond à ma vision sans avoir eu tous les problèmes liés à la réalisation d’un film.

 

Sur un projet, es-tu libre de faire ce que tu veux dessus ou dois-tu te plier à la volonté des studios ?

 

Quand tu fais du cinéma, tout se règle au début avec les producteurs. S’il y a un désaccord, tu travailles pour arriver à trouver un terrain d’entente. Pour ma part, je dis les choses telles que je les pense pour le film, car j’en serai responsable au moment de tourner, c’est pour cela que j’essaye de clarifier les choses au maximum dès le départ.

 

Est-il déjà arrivé que les studios changent d’idée en cours de route ?

 

Pas sur un tournage où tu es en pleine « guerre ». En revanche, lorsque tu entames la phase de montage, les producteurs peuvent par exemple entrevoir un nouveau potentiel dans ton film: tu te retrouves alors à modifier deux, trois choses ou tu recrées une scène afin que le spectateur puisse comprendre, étant donné qu’il n’a pas lu le scénario en long en large et en travers.
Ce ne sont au final que des réglages, mais sur la totalité cela ne m’est jamais arrivé étant donné qu’avec moi tout est clair dès le départ. Quoi qu’il arrive, tu supportes ton film même s’il y a des choses que tu ne pourras pas faire : sur La Sirène Rouge, on m’a massacré le scénario avant le tournage. Au final, j’ai dû prendre en compte ce problème ainsi que réaliser le film avec un budget réduis au tiers de ce qui était prévu.
La réalité est que j’avais en face de moi des producteurs frileux (même si ce sont des gens que j’aime bien, car m’ayant permis de faire ce film) qui voulaient supprimer ou modifier les séquences d’actions, chose qu’il ne fallait surtout pas faire.
Aujourd’hui j’ai la maturité pour pouvoir déterminer ce que j’aurais pu faire à l’époque, mais j’ai toujours assumé mes films. La Sirène Rouge n’a pas réellement coûté d’argent et en a rapporté un peu mais pas autant qu’Exit ou Le Transporteur 3.

 

Lorsque tu entames le montage d’un film, le monteur est-il libre de te proposer des idées ?

 

Étant donné que je tourne énormément tout en sachant précisément ce que je veux, le monteur ne fait que s’adapter, ceci dit cela ne l’empêche pas de me faire des propositions concernant des changements de séquences par exemple.
Ce qui est agréable avec Camille Delamarre ou Vincent Tabaillon, c’est cette faculté que l’on a de passer à autre chose en cas de désaccord, tout en se laissant la possibilité d’y revenir plus tard : il semble qu’avoir de l’égo soit très français.Toutefois, c’est quelque chose qu’eux comme moi n’avons dans le process de travail.

 

Combien de temps faut-il pour effectuer le montage d’un film ?

 

En moyenne, il faut compter entre quinze et vingt semaines. Pour Taken 2, nous avons dû le faire en beaucoup moins de temps, car nous avions deux monteurs avec qui nous avons travaillé non-stop, chose à ne pas faire … Ce sont des plannings particuliers définis par les studios surtout qui prévoient leurs dates de sorties de façons immuables.

 

Supervises-tu la conception des Blu-ray/DVD de tes films ?

 

Je supervise tout de A à Z car je suis un acharné qui harcèle les studios sans cesse pour cette partie. Bien qu’ils s’en plaignent, ils sont tout de même rassurés par le fait que tu aies une vraie vision de ton film. Je me heurte à des problèmes politiques, stratégiques, mais c’est aussi mon métier d’essayer de trouver des arrangements.
J’ai un respect profond pour les gens qui viennent voir mes films, la moindre des choses c’est qu’au regard du prix payé par le spectateur pour un DVD ou Blu-Ray, celui-ci puisse avoir du contenu à regarder après le film. Je me bats à chaque fois pour mettre un maximum de contenu : si sur 1 000 personnes, il y en a 100 qui sont intéressés c’est déjà ça, mais je garde bien à l’esprit qu’il y a aussi des gens qui achètent le film pour le film.
Je pense que les gens de chez Europa avec qui je travaille aiment beaucoup ma façon de faire car je les aide du mieux que je peux plutôt que de les laisser faire les choses, non pas par égo mais tout simplement parce que je suis le premier à regarder et à être critique sur cette partie.
Il arrive cependant qu’il ne soit pas possible de tout mettre, faute de place sur le disque. Ma préoccupation actuelle est d’arriver à mettre la musique, de fournir du contenu qui n’est plus autant diffusé qu’auparavant.

 

Olivier, il ne me reste plus qu’à te remercier et à te souhaiter un bon courage pour le montage ainsi qu’une bonne continuation.
Taken 2 avec Liam Neeson, Maggie Grace et Famke Janssen, sortira le 3 octobre 2012 en France. Dans ce nouvel opus, Bryan ainsi que son ex-femme se feront enlever par Murad, père d’un des ravisseurs de leur fille Kim. Celle-ci devra alors voler à leur secours en utilisant toutes les techniques que son père lui a enseignées.